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    de Louis-Julien Petit

     « Un film anarchiste, financé par le service public en plus ! » glapit un notable grassouillet au-dessus de son embonpoint bloblotant à la sortie de Discount, tout en reluquant avec une gourmandise prédatrice, l’œil humide et la langue chargée de concupiscence, les appétissantes rotondités d'une apprentie charcutière boudinée dans ses collants résille comme une paupiette mal fagotée. Aux âmes libidineuses, la malbouffe n'attend pas le nombre des années !
    La rencontre incongrue de l'arrogante lippe réactionnaire et du tendre minou, pardon minois, inquiet de sa mise en vitrine, a lieu sous la statue de Danton. Au-dessus de la tête choucroutée de laque et de celle dégarnie du veau sans cervelle, s'étale, gravée dans la pierre, une pensée de l'audacieux tribun : Après le pain, l'éducation est le premier besoin du peuple. Dans les deux cas, il y a du boulot !
     

    C'est tout le propos de Discount qui démontre avec une drôlerie non dénuée d'amertume, comme le sont les vrais clowns, que l'une ne va pas sans l'autre. Les oubliés de l'instruction publique resteront à jamais affamés et vice versa. Et c'est sans doute un manque d'interrogation écrite sur la signification profonde du triptyque républicain qui alimente le cynisme des néo-esclavagistes de la grande distribution, ces magnifiques souteneurs d'un sous-prolétariat en pleine expansion qui s'agglutine, toute honte bue mais le ventre encore creux, autour des poubelles débordantes d'invendus alléchants des palaces de tôles, là où se servent les protagonistes de Discount.
    Menacés par l'arrivée de caisses automatiques non-syndiquées, non-grévistes, non-humaines et peu regardantes sur les horaires tant qu'elles ont des puces dans le cerveau, les futurs licenciés es chômage d'un supermarché d'une zone sinistrée qu'on imagine en Picardie, Pas-de-Calais, Lorraine ou toute autre région pauvre en étoiles et riche en suicides, décident d'ouvrir une épicerie solidaire et clandestine où sont revendus à prix cassés les surplus qu'ils détournent en joignant un pourcentage de frais aux produits périmés qu'ils ont mission de détruire.
    Oui, c'est du vol, les nécessiteux qui s'y fournissent sont des receleurs et la baderne outrée du premier paragraphe avait raison de s'offusquer que l'auteur transformasse en héros ces déviants de la société de consommation, qui finiront par s'enrichir sur le dos des capitalistes si on les laisse faire.

     Le nom de solidarité a beau remplacer celui de fraternité, trop maçonnique pour certains, libertaire pour d'autres ou rappelant avec cynisme celui de la gare de Rungis, ce temple du cholestérol, il n'en reste pas moins entaché de l'ignominieuse idée de partage qui terrorise les financiers, file la colique aux spéculateurs et rebutait le PS bien avant que Manu n'aille danser le French Cancan pour les entubateurs de la City.

     Tout est dit.

     Prenant parti pour ces prolos malhonnêtes (on frise le pléonasme), dont le discours à base de résistance citoyenne, d'activisme ouvrier et d'illégalisme légitime à la Robin des Bois masque mal l'immoralité, le cinéaste glorifie la piraterie zonarde, fustige la saine gestion des RH recommandée par le même Manu faisant la danse du ventre à Pékin au profit du profit, et se gausse des anglicismes bas de gamme des pros du merchandising agressif sans lesquels, ingrat qu'il est, il n'aurait jamais ni goûté au tarama à l'huile de vidange, ni trouvé si complaisante manière de s'insurger à bon compte du capitalisme consumériste. Comme si la France avait besoin d'un Ken Loach franchouillard en plus de Mélenchon !
    C'est facile d'être un preux quand on n'aime pas le caviar et ignore le velours d'un Romanée-Conti 1999 pour lequel n'importe quel être un tant soit peu éduqué - voir Danton pour le programme - vendrait son âme à Dieu ou licencierait toute une administration, celle du fisc par exemple.

    Comble de l’infamie, l'auteur ose transformer la magnifique, troublante, éblouissante, sensuelle et pour tout dire excitante Zabou Breitman en une insupportable arriviste totalement soumise au système au point de sacrifier sa libido, et dont la seule pointe d'humanité réside dans son aversion pour la copulation assistée par ordinateur, surtout avec les losers qui surfent sur leur mâle fragilité pour draguer les frustrées au ventre plat et au cœur sec. Quel gâchis ! Autant lyophiliser la poitrine de Sophie Marceau ou les cuisses de Bérénice Béjo !

     Au final la morale bourgeoise sort vainqueur et les notaires repus sont contents de s'être fait peur à peu de frais. Au sortir du film, encore tout frissonnant d'émois avantageux, ils imaginent à leur tour des stratagèmes illicites pour conforter leurs privilèges et déboulonner nuitamment cette statue de Danton, symbole d'idées trop subversives pour être étalées au regard mal comprenant de la populace grossière qui hante le Quartier Latin et pourrait choquer les touristes chinois qui viennent volontairement y dépenser le produit des délocalisations réussies du CAC 40.

     Courez voir Discount si votre faim dépasse la fadeur du jambon aqueux et du plâtre normand.
    Courez sculpter vos idéaux républicains et transposer au XXIème siècle vos cours d'histoire.
    Courez rafraîchir votre soif de Liberté, Egalité, Fraternité au regard souriant de naïveté et de courage des détrousseurs d'escrocs, moins effrayés par la prison que par l'injustice.

     Pégéo, un mois après l'horreur qui n'efface pas les rêves.

     

     

     

     

     

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