• La ChasseLa Chasse La Chasse
    de Thomas Vinterberg.

     

      Méfiez-vous des enfants, y' font rien qu'à mentir dès qu'il enlèvent les doigts leur nez ou de tout autre orifice digne d'exploration. Quand ils grandissent, il préfèrent oublier cette période sombre de leur vie et se forcent à croire que leurs propres rejetons sont sans taches. Ce faisant, ils se mentent à eux-mêmes et satisfont ainsi malgré tout leur perversité innée à base de narcissisme exacerbé, de lâcheté mal assumée et de panurgisme sécuritaire, sans s'exposer à la vindicte populaire ni frémir des narines, parce que les enfants, ces chères et innocentes têtes blondes, sont sacrés, ce qui en fait d'excellents bourreaux en puissance et de redoutables armes de destruction collective pour qui sait les manipuler.

       Cette projection progénituriale, généralement accompagnée d'une rétroprojection intergénérationnelle, permet aux sociétés dites humaines de préserver, voire consolider, le véritable ciment toute cohésion sociale : la peur. La peur est la seule justification à la promiscuité insupportable dans laquelle se vautre l'humanité alors que tout être psychologiquement sain (c'est à dire moi-même, Alceste et mon phasme apprivoisé) ne saurait être totalement heureux que dans la solitude reposante des no man's lands où s'épanouit pleinement le désert affectif nécessaire à la sérénité, la paix et la construction des utopies les plus folles qui illuminent le monde, sans crainte qu'un imbécile hyperactif ne cherche à les réaliser.

      Rien d'étonnant donc, avec un tel système de reproduction des comportements, récemment renforcé par la disparition des cours d'histoire en terminale et l'accréditation de BHL et André Glucksmann comme philosophes officiels de la Vème, version Second Empire, à ce que les Conseils d'Administration des grandes entreprises, les sessions de l'ONU et les conseils des ministres ne ressemblent à des cours d'école maternelle, et vive-versa, à grands coups de c'est-pas-moi-c'est lui ou oui-mais-c'est-lui-qui-a-commencé.

      Mais pour que la peur nous maintienne vraiment soudés, bien au chaud dans nos certitudes grégaires, il faut qu'elle se déverse de temps à autres sur l'un des moutons, (noir de préférence quoique avec un arabe ça marche aussi et qu'en l'absence de toute personne prédestinée, un grand blond solitaire fait aussi l'affaire), mouton désigné pour l'occasion sous le terme technique de Bouc Emissaire.
     
    Les anciens, très au fait de ce processus, procédaient à la purge annuelle en sacrifiant un bouc, un vrai, un tatoué qui a couru la bique, sur l'autel de leurs angoisses communes. Un chœur de mâles humanoïdes tout émoustillés par les effluves de la bête couvrait de ses chants virils les bêlement affolés de l'animal tout en exprimant ainsi la joie des hommes de ne pas être à sa place. La cérémonie s'appelait chant du bouc, c'est à dire tragédia en grec d'avant la déchéance financière, et tout le monde était content, sauf les chèvres qui devaient se contenter du berger.

      Malheureusement, depuis les interventions surmédiatisées de Brigitte Bardot et la baisse des subventions culturelles en milieu rural, on est prié de retourner à l'âge de pierre et de sacrifier à ce naturel besoin d'injustice et de cruauté entre soi.
     
    Reste encore à trouver une victime expiatoire, tâche devenue particulièrement ardue tant les vocations de martyrs se font rares, comme il est expliqué dans Le Cochon de Gaza. Le tirage au sort ayant tendance à désigner les plus faibles, on a de plus en plus recours à la méthode dite de la pythie enfantine, basée sur ce verset incomplet : la vérité sort de la bouche des enfants. Dans la citation intégrale il s'agit des enfants de Dieu, c'est à dire des saints, mais comme ceux-ci sont peu bavards, surtout Saint Romain qui eut la langue coupée malgré les mensonges de l'enfant qui l'accompagnait, on abrège pour faire simple et efficace à l'instar de la justice de l'Oncle Sam.
      La méthode est simple. Il suffit d'être attentif comme un juge d'instruction du Pas-de-Calais et de saisir adroitement la première connerie invérifiable pour agir promptement. La période idéale se situe un mois avant Noël, ce qui permet de profiter pleinement de la grâce onctueuse répandue par l'officiant communal sur ses ouailles pour effacer le dégoût de soi et les relents de honte qui pourraient gâcher les agapes de fin d'année.

      Cette fois, dans un village danois au nom imprononçable, c'est Klara qui s'y colle en dénonçant les imaginaires attouchements sexuels perpétrés sur elle par Lucas, l'assistant maternel de sa crèche et meilleur ami de son père.

      Oh, la jolie petite fille aux yeux candides et à la bouche en cœur !
     
    Oh, le vilain monsieur divorcé qui n'a même pas le droit de parler à sa femme !
      O
    h, le gros zizi tout dur qui se trimbale dans la maison depuis que les tablettes diffusent internet jusque dans les berceaux !
     
    Quelle aubaine pour cette coquette bourgade où l'ennui rampe dans l'hygiène, l'honnêteté et l'hypocrisie protestante ! Quelle chance pour cette communauté trop tranquille qui ne s'accorde plus depuis longtemps que l'abattage rituel de quelques cervidés surnuméraires pour étancher sa soif de barbarie consolidatrice !

      Tout est dit.
     
    De la calomnie élevée au rang de rhétorique communautaire à la violence en réunion, en passant par l'ostracisme, le rejet, l'isolement et la tentative de meurtre, la petite ville s'en donne à cœur joie, usant subtilement de l'auto-suggestion pour contrecarrer les maléfiques instances judiciaires qui tentent de gâter la fête en innocentant le coupable désigné à la fois par l'index potelé de la gamine et par le doigt vengeur, quoique poilu, des pères indignés à qui une société trop douce refuse autrement le droit à la violence naturelle.
      Comme si un tribunal pouvait rendre la justice et accessoirement son honneur à un homme ! Ce serait vraiment du gâchis.
     
    C'est si rare, c'est si bon, avoue la quasi totalité des habitants, commerçants et chasseurs en tête, c'est si jouissif de pouvoir être injuste, cruel, et sanguinaire sans remords ! L'acharnement est un mets si envoûtant, si revigorant, aussi puissant que la première bouchée arrachée au cœur encore palpitant du bouc que l'on vient d'allonger sur l'autel tribal. Laissez-nous donc jouer encore un peu, plaident leurs regards effarés. Nous ne sommes que de grands enfants innocents et naïfs, angoissés par la vie et les chaînes d'info en continu. Laissez-nous jouer au moins jusqu'à Noël. Après nous serons sages et paisibles, bercés par le souvenir des cantiques et la digestion du foie gras.

      L'alternative à ces sombres réjouissances, qui certes flattent avec force une partie trop peu appréciée de notre nature humaine mais sont incompatibles avec la haute opinion que nous avons de nous-mêmes, c'est d'aller voir ce film. C'est moins drôle que de plonger soi-même les mains dans le sang mais ça nous en fait quand même venir le goût sur la langue - grâce soit rendue à nos neurones miroirs – tout en nous confortant dans ce pieu mensonge que moi, personnellement, je ne suis pas comme ça. C'est chouette de se sentir pur !

      Courez voir La Chasse pour gifler le bourreau qui est peut-être en vous afin de pouvoir faire l'innocent à la messe de minuit ou à la prochaine chasse à courre.
     
    Courez admirer la sobriété époustouflante de Mads Mikkelsen qui livre sa souffrance avec d'autant plus de force qu'il la retient avec pudeur.
     
    Courez contempler l'art avec lequel Thomas Vinterberg jongle avec la caméra pour effleurer les comédiens et saisir leur légèreté, leur gravité et leur beauté avec l'élégance d'un parfumeur.
     
    C'est dur mais c'est beau.

     

    Pégéo, un jour de plus où les sans-abris ont été priés de se taire
    ou de hurler en silence, au choix, mais loin des fenêtres du pouvoir
    et des yeux des touristes et surtout pas sur le Pont des Arts.
    Ça commence à faire.

     

     

     


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  • RengaineRengaineRengaine
       de Rachid Djaïdani

    Curieuse idée que de respecter de façon ultra-orthodoxe le Dogme 95* pour tourner un film dénonçant l'intolérance inhérente aux traditions, cultes, religions et autres formes de sectarisme bien utiles pour contrôler les velléités d'émancipation et de liberté des êtres humains. Ce n'est pas le moindre des paradoxes de ce film mais c'est sans doute le plus insoutenable pour le spectateur moyen pas encore équipé d'une vision stroboscopique à correction d'azimut.

    Poussant au-delà du grotesque les règles édictées (puis abandonnées) par Lars von Trier et Thomas Vinterberg, le cinéaste, pardon l'auteur, n'hésite pas à monter la caméra sur le dos d'un chameau parkinsonien en pleine crise, ce qui donne aux prises de vue un aspect chaloupé, voire démantibulé, qui est d'habitude l'apanage des auto-reportages réalisés par les marins ivres lorsqu'ils passent le Cap Horn les jours de tempête.
     
    C'est là la véritable innovation de ce film, par ailleurs très classique, qui brise la sacro-sainte règle selon laquelle, la vertu première d'une image est qu'elle soit lisible. L'audace n'est pas dénuée d'intérêt psychédélique et il est louable de vouloir abolir l'une des plus atroces discriminations de notre époque en mettant aveugles et voyants sur un pied d'égalité, mais la radio fait aussi bien et depuis plus longtemps avec moins de moyens.

    Ce n'est d'ailleurs pas sans poser un problème de santé publique. Pour peu que le film ait du succès, ce sera par milliers que l'on comptera les victimes de la migraine hystérique déclenchée par l'enchaînement kaléidoscopique des plans joliment bariolés, que n'auraient pas reniés Roland Dorgelès et son âne iconogène.
     
    Sans doute s'agit-il d'une allégorie lumineuse et bigarrée de la tourmente qui agite les cerveaux sédimentés dans les coutumes despotiques des protagonistes, mais était-il bien nécessaire de donner le mal de mer au spectateur pour lui asséner ce propos somme toute assez conventionnel : le racisme est partout et c'est mal ?

    C'est dommage. Traduire Roméo et Juliette en verlan pour permettre aux relous incultes d'accéder aux bases de la conscience humaine ; associer le mythe occidental de ces sympathiques crapules de Capulets à celui plus mésopotamien des non moins grotesques 40 voleurs ; citer Cinna au cinéma sans cillement de sourcils ni erreur de diction pour affirmer sa francitude et rendre hommage à Auguste (l'empereur, pas le clown) et Corneille (le dramaturge, pas le chanteur) ; transformer le XVIIIème arrondissement en Vérone des temps modernes, c'était plutôt une bonne idée, pas très originale certes, mais chargée d'un potentiel comique hautement corrosif dont les bienfaits, malheureusement, s'estompent dès que le documentaire sur les minorités urbaines prend le pas sur la comédie sentimentale.

    C'est dommage car la fluidité linéaire du scénario, qu'en digne enfant du bitume et des murs de béton Rachid Djaïdani a écrit en échangeant son stylo contre un marteau-piqueur, fait pénétrer le message, sans mollir des chevilles, dans les crânes les plus obtus, les cerveaux les plus férocement armés de versets mal digérés, les âmes les plus soumises aux carcans épineux des idéologies de tous acabits.

    Malgré ces légers péchés de jeunesse, ne jetons pas la pierre au cinéaste: il est des endroits où on les renvoie à juste titre avec des frondes et je ne sais où le cinéaste habite, alors prudence.
     
    Soyons positif, comme disait le professeur Montagnier avant la découverte du Sida. A l'instar de Picasso – qui, lui, faisait la différence entre barbouillage et émotion – observons l’œuvre dans sa globalité tandis que les 40 frères de Sabrina observent, eux, le Ramadan, saine coutume en période de disette, surtout pour les mélomanes qui peuvent annuellement, un peu avant le crépuscule, apprécier les concerts de gargouillis gastriques qui emplissent le métro aux heures de pointe de leurs appétissantes disharmonies. Observons et, malgré le tangage nauséeux des images floues sur l'écran, goûtons au mélange étonnant des sentiments que ce film sait réveiller en nous, même s'ils ont parfois le goût des pilchards à la confiture de framboise et moutarde à l'ancienne. C'est rude mais c'est bon et ça réveille les bobos.

    L'histoire est simple comme un délit de faciès.
     
    Sabrina et Dorcy s'aiment d'amour tendre sous la verte ramure d'un sycomore des Buttes Chaumont. En bons citoyens conformistes conscients des usages d'une république qu'ils respectent parce qu'elle le vaut bien, ils décident de se marier. C'est sans compter avec les traditions haineuses de leurs familles respectives (familles, clans, tribus, castes, ethnies, communautés, choisissez ce qui vous parle le plus dans l'infini catalogue des sectarismes tyranniques).

    Tout est dit.
     
    Le chef des 40 arabes, pardon des 40 beurs, enfin rebeux (on ne sait comment s'exprimer pour faire à la page sans faire raciste), bref l'aîné des 40 Frères de l'Intolérance Primordiale se lance alors auprès de sa nombreuse fratrie dans une campagne de porte-à porte anti-hymen, dont le succès mitigé nous inquiète : Slimane le magnifique, amoureux d'une belle juive, aurait-il une âme moins trempée que Titus face à Bérénice ? Va-t-il mollir des genoux ? S'acheminerait-on vers un happy end hollywoodien en totale contradiction avec le parti pris des images grunges, symbole de l'indépendance et de l'auto-production ? Suspense !
     
    La violente cordialité de ses échanges en charabia Franco-arabo-prolo-bellevillois, un patois local qui fleure bon le terroir bitumeux et la guinguette orientale, finit en effet par atteindre le cœur sclérosé du grand-frère juste avant la fin du Ramadan et de sa paix protocolaire, et le bonheur règne sur Paris. Amen. C'est beau.

    Assez judicieusement, le réalisateur n'a retenu au montage qu'une partie des 39 entretiens nécessaires, ce qui permet au film de s'achever dans un délai raisonnable, c'est à dire avant que la spasmophilie ophtalmique ne s'étende à l'ensemble des spectateurs (seul les astigmates sont touchés, mais il suffit de fermer les yeux en retenant sa respiration pour retrouver le sens de la verticale.)
     
    Cela suffit pour faire de Rengaine un bon film dont seule l'instabilité maladive du cameraman (le même sans doute qui oublie de charger la cassette dans le film dans le film, autre référence shakespearienne de l'auteur qui décidément a des lettres à revendre) empêche d'apprécier pleinement la justesse de jeu des acteurs.
     
    Les noirs sont vraiment noirs, les arabes vraiment mal rasés, les femmes réellement girondes et le canal de l'Ourcq exactement où il se doit. C'est à une telle précision dans le casting que l'on reconnaît aussi les grands. Sincèrement, ils sont tous très bons et je ne dis pas ça parce qu'ils sont plus nombreux que moi. Rien que pour le plaisir de les revoir, Djaïdani devrait faire un autre film, avec un cadreur à jeun cette fois, merci pour mes yeux.

    Courez voir ce film si vous n'avez pas le mal de mer.
     
    Courez voir Rengaine s'il vous arrive d'oublier que l'amour est plus efficace que la loi pour assurer la paix, ou de préférer l'ordre à la liberté de votre prochain.
     
    Courez voir ce film si l'alibi culturel vous semble encore parfois une explication raisonnable à l'inacceptable.

     

    Pégéo, un jour de plus où l'UMP nous jouait sa version trash des Horaces contre les Curiaces.

     

    * Dogme 95 : courant cinématographique plaçant la frugalité au rang des beau-arts. A consommer avec modération sous peine de faire croire au spectateur que c'est lui qui a bu. cf. Les Vieux Chats.

     


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  • AmourAmour Amour
    de Michael Haneke


      Un matin, malgré le soleil sur les toits de Paris et les rires qui emplissent la cuisine, on se met à douter. De tout. De Dieu bien sûr, c'est si facile, mais aussi de la vie, du temps qui passe et semble s'être un instant arrêté. C'est une absence. Mais qui est absent ? On doute. C'est donc que l'on y croit encore. Pour encore combien de temps ? On a déjà si froid aux pieds.

      C'est vrai, si la vie n'est que cet intervalle de temps, si ridiculement court, qui sépare la naissance de la mort ; si elle n'est que cet absurde et continu ralentissement de la multiplication cellulaire ; alors l'homme est en droit de lever les yeux au ciel et, de toute la force de ses poumons encrassés par les gaz d'échappements, de hurler à la face hautaine de l'univers qui l'écrase de sa splendeur : Tout ça pour ça ?
     
    Puis, une fois ses charentaises remises, pour surmonter la peur du silence céleste, imperturbable de moquerie muette, pour dépasser celle des questions iconoclastes auxquelles nul prophète crédible (oxymore ou pléonasme, au choix) n'apportera jamais de réponse, l'homme invente l'Amour et ses avatars encombrants, l'espoir et le courage, car on ne se sépare jamais de la Grande Angoisse, elle est indestructible. Tout juste peut-on la morceler en portions plus humaines que l'on finit par ne plus savoir raccorder, pour la plus grande joie de Freud et Alzheimer, les Tom et Jerry des neurosciences, dont les meilleurs sketchs viennent de paraître aux éditions La Gériatrie Amusante sous le titre goguenard : Si j'avais su, j'aurais pas venu*.

      Pour simplifier, à la limite de la caricature, la pensée d'Henri Laborit, l'inventeur pré-soixante-huitard de l'hibernation artificielle et autres trompe-la-mort psychédéliques, l'amour est un processus relationnel permettant de conscientiser les actions auto-gratifiantes par l'intermédiaire de l'autre et dont la forme et la finalité ont globalement peu évolué de l'émergence des premiers êtres mono-cellulaire à l'avènement d'homo sapiens.
     
    Certes, cette vision bio-systémique manque notablement de romantisme mais c'est justement ce que recherche Michael Haneke : éliminer le sentimentalisme, le pathos, la psychologie et tout ce qui fait tomber l'art dans l'obésité anesthésiante des sucreries hollywoodiennes, alors que la vie ça n'est jamais que de la protéine qui tricote des spirales pour passer le temps et faire son intéressante à la face du Grand Absent ou à celle de Méphisto, dont la panse ne cesse d'enfler depuis que les premiers monozygotes ont inventé la mort.

      Donc, chez Haneke, point de douceur ni de violence, que du brut, du vrai, du factuel, sans fioritures ni voilettes. Les faits sont bruts, les personnages sont bruts, les images sont brutes, les silence sont bruts. Même le générique est brut. C'est ça l'élégance spartiate. Pas de musique. Ni avant, ni pendant, ni après. Même aux enterrements. Tout juste entend-on quelques mesures lorsque Anne, l'héroïne, ou un de ses élèves, se met au piano. Mais c'est du Schubert, alors on est content quand ça s'arrête. C'est d'ailleurs, avec quelques longs plans fixes sur des tableaux de style Romantisme Allemand ou assimilé (soyons accueillants, comme disait Nietzsche en ouvrant à sa bonne judéo-slovaque), la seule concession artistique à un début d'épanchement émotionnel. C'est frustrant mais passé un certain âge, l'exaltation est mauvaise pour le cœur et la guimauve colle au dentier, alors on finit par trouver la frugalité désirable.

      L'auteur ne manque pas de nous faire partager les joies simples et chaque jour renouvelées d'une partie de stock-car en fauteuil roulant électrique ou de nous révéler l'art de se tordre de rire avec un lit articulé à triple motorisation, mais globalement l'hilarité reste confinée au maigre sourire que provoque chez le spectateur mal intentionné le déhanchement de Jean-Louis Trintignant, qui fait penser à celui de Nicolas S. quand il cire le parquet des palais de justice avec des patins aussi difficile à rouler qu'un procureur sans courroie.

      L'histoire est simple comme un amour sans tâche, c'est à dire consommé avec modération et hygiène. Anne et Georges sont vieux, ils s'aiment encore et ça se terminera mal sinon ce ne serait ni du cinéma ni du vrai amour.
     
    Tout est dit.
     
    D'attaques en AVC, le corps d'Anne renonce morceau par morceau à exister vraiment et ce serait insoutenable si les deux octogénaires n'embellissaient au fur et à mesure que la déchéance s'installe.
     
    C'est ça l'amour. Les dieux et les démons ont beau s'acharner, il reste toujours la grâce de l'épure, ce truc dans les yeux qui force à dire oui même à la mort. 
      D'ailleurs, avec seulement un coin de la bouche encore mobile et une langue paralysée, Emmanuelle Riva est capable en quelques mots difficilement articulés de remplir notre cœur de joie et de nous faire rire dignement, un tour de force dont seuls furent capables jusqu'ici certains martyrs chrétiens avant que les bourreaux ne changent de camp. C'est dire son talent et son abnégation.
     
    Quand à Jean-Louis Trintignant, il chasse très bien le pigeon mais c'est pour le cajoler et parce que c'est tout ce qui lui reste à faire dans les couloirs d'un appartement trop grand et trop chargé de souvenirs pour supporter un silence que plus jamais le pas aimé ne viendra perturber, alors on lui pardonne. L'aventure et les distractions sont si rares quand on ne peut plus sortir qu'on s'égaye comme un enfant des moindres occasions d'user ses quelques forces dans un futile tournoi. Il faut bien que vieillesse se passe. Et puis les Feux de l'Amour** ont beaucoup perdu depuis que les politique leur piquent les scénarios pour écrire leurs programmes.

      Courez voir ce film, mais pas avant 19h00. Les séances précédentes sont hantées par des porteurs de carte vermeille dont les ronflements ou les cris d'effroi gâchent le plaisir des plus jeunes à se sentir si loin de l'écran.
     
    Courez voir ce film pour le non-jeu époustouflant de justesse et de force des acteurs, qui rend terriblement poignant le moindre geste quotidien.
     
    Courez voir ce film si, avant d'en être à bénir la cécité qui voile votre image dans le miroir, vous espérez encore comprendre ce qu'aimer veut dire, à tout âge, sans mots inutiles, juste en étant présent.
     
    Si l'amour est un acte et rien d'autre, alors c'est simple et beau comme un film d'Haneke.

    Pégéo, entre le jour des morts et le premier avent,
    il n'y a pas de hasard.

    * Célèbre réplique de Petit Gibus dans La Guerre des Boutons  d'Yves Robert qui, comme chacun sait, n'est qu'une allégorie campagnarde et franchouillarde de la dispute entre Tonton Sigmund et Oncle Carl.

    ** Vénérable soupe populaire, ou soap opera en anglais, très appréciée des porteurs de dentiers et des malades atteints d'un ulcère tant sa consommation était facile, sa digestion aisée et les risques d'élévation du QI inexistants.

     


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  • Dans la Maison  Dans la Maison

      C'est un film sur un adolescent qui écrit un livre sur ce qui se passe dans le film tandis qu'un professeur lui apprend à écrire ce qui se passe la maison, c'est à dire dans le film.

       Vu sous c'est angle, c'est ennuyeux.

      Aussi le cinéaste multiplie-t-il les mouvements de caméra et joue professionnellement avec les nombreux miroirs de la maison pour changer d'angle sans rajouter de suspense ni dépasser le niveau d'exaltation que provoque chez la ménagère de moins de cinquante ans la lecture d'un catalogue d'art moderne écrit par un communicant biélorusse.

      Il est vrai que ce n'est pas moindre des qualités de François Ozon, que de distiller l'ennui avec la subtilité d'un bouilleur de cru écossais, afin de mettre en valeur les répliques incisives de Fabrice Luchini, qui sont autant de gifles revigorantes jetées avec désinvolture et précision à la figure morne et téléravagée du spectateur de la classe moyenne, ravi de reconnaître son inculture et sa capacité d'apprentissage, sans être directement humilié. A cet effet le réalisateur précautionneux a spécialement prévu un comédien sur lequel chacun pourra projeter ses frustrations, ses hontes, sa mesquinerie et tout ce dont il est peu fier, un artifice psychothérapeutique indispensable pour dépasser les bornes de son savoir et s'ouvrir à la connaissance en toute humilité. C'est une agréable délicatesse envers un public peu enclin à admettre spontanément ses limites.

      Car Ozon est un pédagogue. Il sait que l'art d'enseigner passe non pas par la répétition (les apprenants sont rarement sourds et si c'est le cas, mieux vaut leur écrire) mais par la diversification des formes de transmission.
      Ainsi n'hésite-t-il pas à faire lire par une voix off un descriptif de l'action en cours, allant même jusqu'à faire entrer le narrateur dans l'image, au sein des protagonistes qui semblent ignorer sa présence, dans une subtile allégorie de la nécessaire projection du lecteur ou du spectateur à l'intérieur du récit pour une parfaite assimilation du message.
      Ceci est véritablement utile non seulement aux mal-comprenants universitaires qui forment le gros du public (qui est gros ?*) mais aussi aux mal-voyants qui pourront suivre sans peine l'action. On regrette l'absence de sous-titrages pour les mal-entendants mais il y a des audaces pour lesquelles la société n'est pas encore mûre.

      L'exercice est, il est vrai, délicat et ce ne sont pas les professeurs de français, confondus d'étonnement devant la créativité orthographique par laquelle les lycéens compensent leur manque d'imagination narrative selon un rapport officiel de la cour de récréation, qui me contrediront. Aussi le réalisateur ne ménage-t-il pas sa peine dans sa tentative d'explication des ressorts de base d'une bonne narration, écrite ou sur grand écran. Il filme avec hardiesse l'élaboration en temps réel d'un dessin illustrant le discours du professeur en train de présenter la construction du film qui va, dans les secondes qui suivent, suivre le cours exact de ce qui vient d'être prédit. C'est fou ! Sacrifier ainsi le suspense au profit de la pédagogie est une véritable preuve d'abnégation de la part d'un cinéaste dont on connaît et apprécie le goût pour la chute inattendue depuis 8 Femmes ou Swimming Pool.

      Selon David Lodge dans L'art de la Fiction1, « toute fiction raconte le passage de l'innocence à l'expérience ». C'est en gros le synopsis du film.
      Tout est dit.

      Aussi attardons-nous sur les acteurs, qui font tout le charme de cette œuvre, ou plutôt sur les actrices, c'est plus moelleux. 
      Emmanuelle Seigner a beau porter « le parfum si particulier de la femme de la classe moyenne » et les vêtements approximatifs qui vont avec, sa douceur et sa générosité ont de quoi troubler plus d'un adolescent et concurrencer les attraits qu'a, pour la majorité des mâles occidentaux une pizza froide devant un match de basket télévisé. Ce n'est pas rien.
     
    Kristin Scott ,Thomas est de plus en plus renversante de séduction naturelle, alliant la finesse d'humour d'une aristocrate anglaise quand le champagne lui monte à la tête, au regard alangui d'une star italienne amoureuse à l'heure où le soleil se couche sur les plages surchauffées de Capri, et à la voix envoûtante d'une chanteuse de jazz faisant swinguer la musicalité si particulière de la langue française quand celle-ci est écrite avec amour.
      Ce qui est le cas.
      Les dialogues sont ciselés avec une précision qui confère au subjonctif le plus imparfait la fluidité d'une chanson populaire. Les envolées didactiques flamboyantes y deviennent d'une simplicité limpide, comme si un génial tailleur de pierre avait pu associer la fulgurance du gothique à la pureté de l'art roman. C'est sans doute exagéré et absurde comme comparaison mais c'est trop rare en cette période de disette littéraire pour bouder notre plaisir linguistique car, comme le faisait remarquer, à la sortie du cinéma, une étudiante en lettres modernes au boutonneux enamouré qui l'accompagnait : cette langue, c'est trop top ! Elle avait visiblement, au cours de la séance, fait l'expérience qui renverse l'innocence.

      Ce film étant commercialisé sous l'étiquette thriller, les parents responsables se demanderont à juste titre s'il fait peur et si les enfants normaux de la présidence normale peuvent normalement le visionner sans être anormalement perturbés, c'est à dire préférer soudainement les haricots verts aux frites et Flaubert aux mangas japonaises.
     
    Les premiers résultats de l'étude clinique menée par les carabins de l'Université René Descartes à l'UGC Danton où ils passent leurs soirées donnent les résultats suivants.

      Les cancres peuvent s'aventurer sans risque de contagion excessive au plus près de cette œuvre. La contamination par les lettres nécessite un minimum d'agitation neuronale que l'état de para-somnolence chronique de ces individus ou la proximité d'un radiateur suffit à bloquer.
     
    Les fayots du premier rang, plongés dans une vaine tentative de décryptage des installations porno-politico-satiriques de la galerie d'art tenue par Kristin Scott Thomas seront eux aussi exempts de séquelles mesurables, tant la poésie requiert une sensibilité incompatible avec l'hypertrophie du cortex latéral droit caractéristique des chouchous.
     
    Le gros de la troupe (qui est gros?*), situé entre ces deux extrêmes, sera sans doute choqué et potentiellement sujet à des accès de Prousterie aiguë ou de Racinite Alexandrine dans les semaines suivantes, mais la résilience dont cette majorité a toujours fait preuve face à l'intellectualisme rampant au cours des siècles, et qui est la seule explication valable à la survie de l'espèce humaine et à son degré actuel de développement non-violent, cette résilience, donc, lui permettra de passer le cap sans d'autres conséquences que les habituels boutons d'acné, un dégoût passager du coca et du portable pouvant faire croire à une anorexie consumériste qu'une cure de TF1 résorbera rapidement, et dans les cas les plus graves, le port abusif d'un T-shirt « I love Céline » made in China, qu'un simple tour de lave-linge réduira à des ambitions plus réalistes sous la forme d'un bandana « I love machine », compréhensible par tous.

      Aucun danger, donc, les parents peuvent rester sereins même si ce ne sont pas des aigles**, nul ne frémira dans ses chaussettes, nul synapse ne sera frappé de stupeur et toutes les familles de la classe moyenne finiront à la pizzeria du coin, sans craindre que ne pénètre Dans leur Maison une ombre imaginaire ou même un nombre imaginaire qui, scrutant leur vie sans honte les manipulera cyniquement dans le seul but d'en tirer un livre ou un film ou …
     
    Tiens, ça me fait penser à autre film avec Luchini, La Discrète, dans lequel un éditeur manipule un romancier peu talentueux pour etc. C'est fou.

    Courez voir ce film si vous aimez vous faire chatouiller les oreilles par une langue inhabituelle.
    Courez le voir si vous croyez encore à l'innocence des enfants.
    Courez le voir si la peur vous fait rire ou si le rire ne vous fait pas peur.
    Mais dans tous les cas, n'oubliez pas de lire, c'est le seul antidote à l'absence.

    Pégéo, un soir où la pluie était plus triste que la nuit.

    *Obélix parodiant Gérard Depardieu pour faire rire les enfants. Ça marche à tous les coups. 

    ** Mon inspiration file au vent mauvais quand l'automne sonne à la porte de l'hiver et que le jour ressemble de plus en plus à la nuit, alors je cite Pierre Desproges pour éviter de croire en Dieu sur un coup de tête ou de vendre mon âme au diable sur un coup de Beaujolais et aussi pour faire mon intéressant. Redde Caesari quae sunt Desprogibis.

    1. David Lodge, L'Art de la Fiction, Rivages, Paris, 1996 pour l'édition française. Remplace avantageusement et à peu de frais plusieurs professeurs de français avec en plus une pointe d'humour anglais catholique (une rareté !) qui donne l'impression que c'est le lecteur qui est intelligent.

     


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  • Cherchez HortenseCherchez HortenseCherchez Hortense

     

    Dieu, mais que Marianne était jolie, quand elle avait les traits de Brigitte Bardot et chantait Liberté, Joie de vivre et Générosité. C'était sans doute un leurre mais il avait de la gueule.
     
    Aujourd'hui, elle s'appelle Hortense et a le sourire carnassier d'un vieillard jaloux de ses privilèges, qui siffle Internement, Dépression et Rapacité dans les salons chargés d'ors et de tableaux aristocratiques des palais de la République inaccessibles aux citoyens, que hantent les nouveaux Fouquet, les anciens Talleyrand et les éternels saigneurs d'une démocratie d'illusions dont le peuple adule les people comme les serfs vénéraient « Not' Bon Maître » avant que Marianne ne s'en mêle justement. C'est toujours le même leurre, le sex-appeal en moins.
     
    Présenté comme ça, c'est triste. Depuis que les bouffons ont remplacés les rois, on ne peut plus couper des têtes sans passer pour un pisse-froid dénué d'humour et le peuple s'ennuie.

    Comment donc s'amuser des puissants tout en gardant les mains propres et son droit au logement dans les quartiers huppés de la capitale ?
     
    C'est ce que tente de faire Pascal Bonitzer dans Cherchez Hortense, dernier volet de la trilogie bien-pensante de l'IFA* entamée avec Le Havre et Les Invités de mon Père au sujet de ce concours d'élégance que se livrent la gauche et la droite dans l'art de refouler les sans-papiers. La tache est ardue car si les élites prêtent à rire, c'est au taux de l'usure et les producteurs renâclent à de telles aventures.

    Heureusement, Œdipe et Cupidon, les deux auxiliaires préférés du Grand Pervers, sont toujours disponibles pour mettre un peu d'animation dans le quotidien ronronnant des quadragénaires hésitant entre finir leur crise d'adolescence et parier sur la météo de leur premier jour de retraite.
     
    L'orgueil du mâle et la fierté virile n'étant plus des ressorts avouables, condamnés qu'ils sont par les psychologues de Biba et les vendeurs de cosmétiques masculins, seuls l'amour d'une femme et la haine du père sauront faire sortir Damien de sa coquille et le forcer à grandir, grâce à un engagement libre et généreux dont l'exemplarité est telle qu'on se demande pourquoi les héros sont toujours aussi rares. Oui, pourquoi au fait ?
     
    Parce que, comme le démontre Pascal Bonitzer dans cette œuvre un peu moins haletante qu'une octogénaire asthmatique lorsqu'elle aborde le cinquième palier les jours de panne d’ascenseur, ce n'est pas la volonté qui fait le héros, c'est le hasard.
     
    Pour réussir dans cette voie, il faut une bonne dose d'inadvertance voire même d'aveuglement et Damien, spécialiste des chinoiseries incompréhensibles pour le cartésien moyen, n'en manque pas.
     
    Certes, avoir une relation tendue avec un père haut-fonctionnaire, être coincé entre une femme en partance et un fils qui, lui, se rebelle avant d'avoir une calvitie, et fréquenter des loosers intellos dépenaillés, ça aide à combattre l'illusion qu'un volontarisme forcené est la clé de la réussite.
     
    Mais découvrir à 40 ans que le dit père est homosexuel, c'est plonger tout droit au cœur du conflit Sartre vs Freud et douter de sa raison d'être, en tant que fils, que père et qu'esprit sain, un coup, pour un orientaliste de la rive gauche, à préférer le saké au Zen, changer d'idiome et s'enflammer pour une Serbe pétillante de rêves altruistes et de désir d'amour, les seuls luxes abordables quand on est démuni.

    Tout est dit.
     
    C'est donc par inadvertance que Damien - alias Jean-Pierre Bacri, le front le plus ridé de sa génération - qui  séduira Aurore, tuera le grand homme, quittera sa femme et ses amis. C'est par inadvertance qu'il endossera le costume élimé, la barbe de trois jours et le regard atone du héros solitaire, méconnu et un peu pathétique que le cinéma français aime à promouvoir par pur antiaméricanisme primaire.
     
    C'est sans le vouloir qu'il atteindra ce sommet de l'évolution qu'est le citadin équilibré et discrètement anarchiste, que tous les parisiens rêvent de devenir chaque fois qu'ils aperçoivent des visages grimaçants les narguant du haut de la passerelle reliant le Conseil d'Etat à la Comédie Française, sans pouvoir distinguer qui du saltimbanque ou de l’énarque est le plus absurde. 

    Mais Cherchez Hortense n'est pas qu'une comédie romantique doublée d'une drame œdipien. C'est aussi un film engagé qui dit tout haut ce que les français évitent de penser tout bas car chez ces gens-là, on ne pense pas, madame, on ne pense pas, on digère.

     C'est un film courageux, qui aborde les vrais problèmes de la France, patrie non pas des Droits de l'Homme mais de l’Existentialisme, cet humanisme post-résistant, suite logique du Je-pense-donc-je-suis et précurseur de l'angoisse subséquente qui assaille les téléspectateurs et les internautes lorsque, l'écran éteint, ils mesurent l'éternité qui s'est écoulée depuis la dernière connexion consciente de leurs neurones, au point de douter de leur existence et de l'utilité de se brosser des dents devenues inutiles à force d'avaler de la bouillie et des couleuvres aux couleurs de Danone ou de Coca-Cola.

     Le vrai problème, dénoncé par l'auteur avec une audace dont on ne croyait capables que les sous-préfets à la retraite, ce n'est pas le traitement scandaleux des sans-papiers, la main mise de l'aristocratie administrative sur le pouvoir, ou la transformation des librairies désertées par une jeunesse texto-isée en lieux de rencontres amoureuses. Non, c'est la tendance renforcée des français à se gratter l'occiput à la recherche des poux du grand-père et à se demander, au comptoir des Trois Faisans, si l'existence précède l'essence, alors que la misère qui a déjà boulotté les banlieues se rapproche dangereusement de la Madeleine et qu'il faudrait se bouger un peu si l'on veut sauver Fauchon. Pour Hédiard c'est trop tard, le Qatar s'en empare.

     Révoltez-vous ! semble chuchoter l'auteur de peur que son fils ne l'entende. Affrontez la réalité, la police, vos angoisses existentielles et pourquoi pas les chauffeurs de taxi parisiens, qui sont à la fraternité ce que les diatribes d'Eric Zemour sont à l'intelligence : un faire-part de décès.
     
    Réveillez-vous, épousez une cause noble et une jolie femme ! Isabelle Carré par exemple, qui fait très bien la Serbe aux yeux malicieux, aux pommettes craquantes et au sourire assez fougueux pour convertir un technocrate de l'Intérieur aux joies des débauches apatrides.
     
    Devenez un héros, même discret. Surtout discret, ça vous évitera de passer sur M6 à l'heure où, dans les étables bien rangées, les écrans s'illuminent du sourire ébahi des adorateurs du néant.

     Si vous croyez encore que les convenances sont une alternative possible au bonheur courez voir ce film, il ne vous apprendra rien mais vous donnera bonne conscience pour quelques euros.
     
    Si vous aimez la nourriture japonaise et d'une manière générale les bidules mous et tièdes qui ne caleraient pas la dent creuse d'un Chihuahua, courez voir ce film, il vous fera revenir à une conception plus saine et plus franchouillarde de la gastronomie.
     
    Si vous êtes de gauche, soyez prêts à perdre vos illusions et si vous êtes de droite à pleurer sur l'inutilité de vos convictions. Les centristes continueront à sourire dans leur coin, ce qui est un paradoxe mais c'est leur fond de commerce.
     
    Les abstentionnistes patentés pourront quant à eux rire aux répliques incongrues de Claude Rich, ce qui est une manière élégante de ne pas prendre parti tout en prenant son pied.

     Pégéo, un jour où les Roms avaient morflés en silence
    un peu partout en France.

     * Internationale du Film Anticapitaliste. Voir Le Havre, El Chino, Bullhead et Querelles.


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